CHAPITRE V

Une aile entière du Palais Impérial reconstruit était devenue le refuge des Calamariens, connus pour leur amour de l’eau. Ces quartiers liquides abritaient pour l’heure les astromécaniciens formés par l’amiral Ackbar.

Le « refuge » était constitué de plastacier travaillé pour lui donner l’allure d’un récif de corail. Les hublots du « toit » permettaient de voir le ciel de la Cité Impériale ; ceux des « murs » donnaient sur les profondeurs du réservoir d’eau où baignait le « corail ».

Un nuage de vapeur sortant du générateur d’humidité arracha Terpfen à sa contemplation – un peu trop fiévreuse pour être agréable. Ses yeux globuleux firent le tour de la cabine, mais il ne distingua rien dans l’ombre, sinon la lumière bleue qui filtrait par le hublot. Terpfen regarda le gros poisson vert-gris qui avançait dans l’eau, avalant au passage tous les microorganismes à son goût. A part le ronronnement des générateurs et le bruit de bulles qui éclatent des aérateurs, on n’entendait rien dans cet univers semi-aquatique.

A l’intérieur de son crâne, Terpfen n’entendait rien non plus. Depuis plus d’un jour, ses maîtres impériaux de Carida ne lui avaient plus envoyé d’ordres. Devait-il s’inquiéter, ou se réjouir ? D’habitude, Furgan le tracassait régulièrement pour qu’il n’oublie jamais sa présence. Du coup, Terpfen se sentait un peu seul.

Les rumeurs allaient bon train dans le palais. On avait capté des signaux de détresse provenant de Carida, puis tout contact avait été rompu. Des vaisseaux de la Nouvelle République étaient partis en reconnaissance.

Si le système de Carida n’existait plus, l’emprise mentale des Impériaux sur le pauvre Terpfen appartenait peut-être au passé. Se pouvait-il qu’il soit enfin libre ?

Le Calamarien avait été capturé par l’Empire durant l’ignominieuse occupation de son monde natal. Comme beaucoup des siens, il avait été envoyé dans un camp de travail et forcé à travailler à la construction de vaisseaux stellaires.

Ses malheurs ne s’étaient pas arrêtés là. Transféré sur Carida, il avait souffert pendant des semaines tandis que les xénochirurgiens lui retiraient des parties du cerveau pour les remplacer par des circuits espions organiques. Ainsi était-il devenu une marionnette pour Furgan.

Une fois relâché, les cicatrices visibles sur son crâne rasé lui avaient servi de sauf-conduit. Nombre de Calamariens ayant été torturés pendant l’occupation impériale, jamais on ne l’avait soupçonné de trahison.

Depuis des années, il essayait de résister à ses maîtres. Mais une moitié de son cerveau ne lui appartenait plus, le laissant impuissant contre ses bourreaux.

C’était lui qui avait saboté l’aile B d’Ackbar pour qu’elle s’écrase sur Vortex, où elle avait détruit la Cathédrale des Vents, l’affaire valant à l’amiral de tomber en disgrâce. C’était encore lui qui avait caché un mouchard sur une autre aile B et obtenu ainsi les coordonnées d’Anoth, la planète secrète où le petit Anakin Solo était gardé à l’abri des manigances d’une légion de malfaiteurs.

Terpfen avait communiqué l’information à l’ambassadeur Furgan, qui s’en était léché les babines. A l’heure présente, il devait être en train de préparer une attaque pour s’emparer du plus jeune des trois petits Jedi.

Terpfen se tenait devant le hublot de sa cabine, plongée dans l’obscurité. Fasciné, il ne pouvait détourner le regard du poisson vert qui se nourrissait toujours.

Un prédateur aquatique s’apprêtait à fondre sur son prochain repas. Avec ses nageoires hérissées de piques et sa mâchoire garnie de crocs acérés, il ne laisserait pas une chance à sa victime.

Ainsi agiraient les forces impériales quand elles s’abattraient sur le bébé Jedi et son unique protectrice, Winter, l’amie la plus proche et la confidente de la princesse Leia.

– Non ! cria Terpfen en frappant de ses deux mains palmées contre le hublot.

Les vibrations dérangèrent le chasseur, qui s’en fut à la recherche d’une nouvelle proie. Le poisson vert – aussi intelligent qu’un légume maritime – ne s’aperçut de rien et continua à se sustenter.

Les maîtres de Terpfen étaient peut-être distraits par une tâche urgente… Si le Calamarien voulait agir, c’était le moment ou jamais. Les dégâts que risquait de subir son cerveau ne comptaient pas.

Ackbar était en exil volontaire sur Calamari, où il aidait son peuple à reconstruire les cités flottantes détruites lors des récentes attaques de Daala. A l’entendre, l’amiral ne voulait plus avoir affaire avec la Nouvelle République.

Puisque la cible était le petit Anakin, l’idéal eût été de contacter sa mère, qui avait le pouvoir de mobiliser les forces de la République. Mais Yan Solo et elle venaient de partir pour Yavin 4.

Terpfen allait se procurer un vaisseau, gagner le système et rencontrer Leia. Il lui dirait tout, et remettrait son sort entre ses mains. Si elle décidait de l’exécuter sur-le-champ, tant pis pour lui ! Après tout le mal qu’il avait fait, ça ne serait qu’une juste punition.

Les idées claires – du moins tant qu’elles resteraient les siennes – Terpfen jeta un dernier regard circulaire à sa cabine. Se détournant du hublot qui donnait sur l’eau, un spectacle lui rappelant son monde d’origine, il leva les yeux au plafond et regarda le ciel de Coruscant, avec ses incroyables gratte-ciel et les navettes spatiales qui le sillonnaient comme autant d’abeilles affairées.

Terpfen doutait de revenir un jour sur ce monde…

Le Calamarien n’avait pas le temps de finasser.

Utilisant son propre code d’accès, il pénétra dans le hangar des chasseurs et avança d’un pas confiant. L’odeur que dégageait son corps trahissait sa tension, mais s’il marchait assez vite, personne ne s’en apercevrait avant qu’il soit trop tard.

Les portes donnant sur l’espace étaient fermées pour la nuit. Deux mécaniciens, des Calamariens, se tenaient près d’une aile B. Un groupe de Ugnaughts, bavards comme à leur habitude, travaillaient sur les moteurs d’hyperdrive de deux ailes X dont les ordinateurs de navigation étaient connectés.

Terpfen choisit l’aile B. Le plus grand des deux mécaniciens le salua. L’autre, une femme, s’extirpa du cockpit, un sac plein d’outils sur l’épaule.

Sur son terminal personnel, Terpfen avait déjà contrôlé l’état du chasseur, paré au décollage. Bien qu’il n’eût aucun besoin de poser la question, elle endormirait la méfiance de ses compatriotes.

– Les réparations sont terminées ?

– Affirmatif, monsieur. Que faites-vous ici à une heure aussi tardive ?

– Des affaires privées, marmonna Terpfen.

Il dégaina son blaster – réglé sur anesthésie – et tira en arc de cercle, touchant les deux Calamariens à la poitrine. L’homme s’écroula comme une masse, la femme battant un peu des bras avant de l’imiter.

Les Ugnaughts cessèrent de piailler et regardèrent la scène avec des yeux ronds comme des billes. Puis ils se mirent à hurler, les trois plus courageux sprintant vers le mur où se trouvaient l’intercom et l’alarme.

Terpfen tira de nouveau, assommant pour le compte les trois intrépides. Les autres levèrent leurs grosses mains en signe de reddition. N’étant pas en position de s’encombrer de prisonniers, Terpfen les endormit aussi.

Assuré qu’on ne le dérangerait pas, il se précipita vers le panneau de commande de la porte. Du badge accroché sur le côté gauche de sa poitrine, il retira la puce passe-partout que les Impériaux lui avaient fournie des mois plus tôt, au cas où il devrait quitter les lieux précipitamment. Aujourd’hui, la technologie de l’Empire servirait à la Nouvelle République !

Terpfen introduisit la puce dans un lecteur et appuya sur trois touches. Un sifflement lui apprit que le système vérifiait les informations. La puce parvint à le convaincre que le Calamarien disposait des codes prioritaires idoines – une autorisation spéciale de l’amiral Ackbar et une autre de Mon Mothma.

Avec un bruit sourd, les portes s’ouvrirent. L’air froid de la nuit emplit le hangar.

Terpfen retourna près de l’aile B et tira le corps du mécanicien hors de la zone dangereuse.

Quand il s’occupa de la femme, elle poussa un gémissement. A voir la manière dont pendait son bras, elle avait dû le fracturer dans sa chute. Un moment, le fuyard hésita, pétri de culpabilité. Mais comment aurait-il pu empêcher pareil accident ? Quelques heures dans une cuve à bacta et il n’y paraîtrait plus.

A ce moment-là, il serait déjà en route pour Yavin 4.

Il prit place dans le cockpit de l’aile B, activa le tableau de bord, vérifia que tous les voyants étaient au vert et referma le sas.

Avec la puissance des moteurs d’une aile B, il serait en vue de Yavin en un temps record.

Exactement ce qu’il lui fallait…

Terpfen orienta le chasseur en direction des portes.

Une alarme stridente retentit, traversant le plastacier du cockpit. Le Calamarien tourna la tête pour voir ce qui était allé de travers.

Un Ugnaught qu’il n’avait pas remarqué venait de donner l’alerte. Sans doute avait-il été en train de travailler à l’intérieur d’un appareil.

Terpfen lâcha un juron. Pour sortir, il allait devoir se dépêcher, et peut-être se battre.

Tout ce qu’il avait voulu éviter.

Il poussa à fond les moteurs auxiliaires et jaillit comme une flèche de la gueule du hangar. L’aile B dépassa en un éclair les gratte-ciel de Coruscant et bondit vers la haute atmosphère.

Terpfen n’avait plus le temps de tromper les moniteurs de surveillance de la République. Pour qui l’intercepterait, il serait un saboteur impérial venant de voler un chasseur. Lors de son interrogatoire, personne ne croirait un mot de son histoire de kidnapping d’Anakin Solo. Le temps qu’il convainque les policiers militaires d’informer le Conseil, il serait mille fois trop tard.

Le Calamarien avait commis bien des méfaits à son corps défendant. Enfin libéré de l’influence de l’Empire, il refusait jusqu’à l’éventualité d’un échec.

Car cette fois, il serait le seul à blâmer !

Il fut surpris et consterné par la vitesse de réaction de la sécurité de Coruscant. Quatre ailes X étaient déjà à ses trousses.

Sa radio bipa.

– Pilote de l’aile B, vous n’avez pas d’autorisation de départ. Rebroussez chemin ou nous ouvrirons le feu.

Terpfen augmenta la puissance des boucliers du chasseur. L’aile B, une prise de guerre d’Ackbar offerte à la Rébellion, était très supérieure aux antiques modèles X. Terpfen pouvait tenir ses poursuivants à distance, et sans doute résister à une partie de leurs tirs. Mais ses défenses étaient-elles assez solides pour supporter le feu croisé de quatre ailes X ?

– Aile B, c’est notre dernier avertissement…

Un des chasseurs tira une salve de semonce à demi puissance qui rebondit sans dommage contre le champ de force de l’appareil du Calamarien.

Terpfen mit toute la gomme, filant vers une zone orbitale basse que l’ordinateur de navigation du chasseur signalait comme très dangereuse.

Un an plus tôt, la bataille pour la reconquête de Coruscant avait été gagnée au prix de terribles destructions. Beaucoup d’épaves de vaisseaux de guerre orbitaient encore autour de la planète. Des équipes de techniciens s’occupaient de les démonter ou de les détruire mais, en temps de crise, ce genre de mission était loin d’avoir la priorité. De nombreux débris tournaient encore autour de Coruscant.

Terpfen n’était pas pris au dépourvu, car il avait étudié la question et calculé une trajectoire pour traverser le dangereux labyrinthe.

Le chemin était si étroit qu’il ne laissait aucune marge d’erreur. Mais c’était sa seule chance. S’il tergiversait, des essaims de chasseurs viendraient bientôt épauler ceux qui le pistaient.

Le Calamarien refusait de se battre, car il avait causé assez de malheurs comme ça. Il entendait s’enfuir en douceur, sans tuer ni blesser personne.

L’aile B s’arracha à l’atmosphère, les chasseurs de la Nouvelle République dans son sillage. Même si Terpfen refusait de riposter, les pilotes n’économisaient pas leurs munitions.

Abordant le champ de débris, le Calamarien commença à slalomer entre les épaves.

Au prix d’un réflexe désespéré, il parvint à éviter la masse imposante d’un capteur solaire encore intact appartenant à un chasseur Tie sans doute désintégré depuis.

Devant lui, la coque déchiquetée d’un vaisseau de gros tonnage – un croiseur Loronar – flottait comme un immense oiseau mort.

Terpfen ne changea pas de cap, car la brèche qu’il avait repérée – conséquence de l’explosion des moteurs – laissait le passage à une aile B.

Ses adversaires n’ayant pas étudié le chemin, le risque pouvait leur paraître trop élevé. S’ils ralentissaient, cela lui laisserait le temps de plonger dans l’hyperespace.

Accélérant encore, le Calamarien traversa comme prévu la coque déchiquetée du croiseur. Deux ailes X refusèrent le défi.

La troisième réussit à passer.

La quatrième fit une infime erreur de trajectoire. Son aile gauche heurtant l’obstacle, elle partit en vrille, toucha une autre épave et explosa.

Terpfen sentit son cœur se serrer. Il aurait tant voulu que personne ne meure…

Le dernier chasseur de la République était toujours derrière lui, rendu fou de rage par la triste fin de son partenaire.

Le Calamarien vérifia ses boucliers et constata qu’ils commençaient à faiblir. Il comprenait la colère de son poursuivant, qui tirait salve sur salve, mais il ne tenait pas à mourir, et il était trop tard pour se rendre.

Il étudia les instruments de bord : l’ordinateur avait calculé le meilleur cap pour Yavin.

Evitant une dernière épave, le Calamarien sortit de l’orbite de Coruscant. L’aile X suivait toujours, tirant de toutes ses armes.

Terpfen activa les moteurs d’hyperdrive.

En un clin d’œil, l’aile B fut hors de portée de l’autre chasseur.

Un bouquet d’étoiles blanches éclata devant les yeux du Calamarien.

Il était dans l’hyperespace !

Les champions de la force
titlepage.xhtml
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_000.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_001.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_002.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_003.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_004.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_005.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_006.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_007.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_008.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_009.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_010.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_011.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_012.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_013.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_014.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_015.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_016.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_017.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_018.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_019.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_020.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_021.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_022.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_023.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_024.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_025.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_026.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_027.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_028.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_029.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_030.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_031.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_032.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_033.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_034.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_035.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_036.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_037.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_038.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_039.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_040.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_041.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_042.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_043.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_044.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_045.htm
Star Wars , An 11 LAcademie Jedi T3_split_046.htm